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Bien avant de m’orienter vers le dessin, je m’étais rêvée physicienne. Ce qui a d’abord guidé mes pas vers une curiosité pour l’origine et la forme de l’univers jusqu’à la fréquentation assidue des surfaces unilatères qui présentent cette bizarrerie de combiner fini et infini. D’une part, leur topologie déplace notre rapport à l’espace. Fondamentalement paradoxal, il s’y maintient une tension irrésolue entre local et global, dedans et dehors, continu et discontinu. La topologie s’intéresse aux transformations continues dont les variables sont définies de façon plus qualitatives que quantitatives. Elle problématise les voisinages, les frontières et passages. Ces termes ont un écho très fort et peuvent faire retour dans le champ social et politique contemporain. D’autre part, je ne pouvais me satisfaire d’un monde qui se serait divisé en oppositions binaires dont certaines nous sont familières : sujet / objet ou encore nature / culture.  Mais avoir des démêlées avec l’infini en physique ou en mathématiques n’a rien à voir avec celles qui se posent avec le vivant. Le biologique d’après Guiseppe Longo (mathématicien, logicien et épistémologue) est  « l’itération jamais identique d’un processus morphogénétique ». Le vivant est plus qu’un processus dynamique, il est sensible et toujours en transition, il est autant l’effet du monde qu’il y contribue en retour. Être et monde ne sont pas séparés.

L’art est aussi cette expérience où la différence entre être lié ou être séparé est aussi mince que ce qui sépare les deux faces de la bande de Möbius et est similaire au passage continu d’un côté à l’autre.

Ces enjeux ont forgé mon rapport au dessin. Je déploie une méthodologie où le dessin est considéré comme l’espace d’un échange. Ça commence par une tentative d’entrer en interaction avec la feuille, de découvrir sa matérialité et de sonder ce qu’elle a dans le ventre.  `Percées et poinçonnages incessants crèvent la blanche planéité de cette surface on ne peut plus sensible. Ces actions simples résonnent avec des faire non conceptuels, presque viscéraux. L’inscription sur/dans la surface relève autant de la mémoire tactile que l’expérience visuelle. Le papier en est le support matriciel. Il s’anime, réagit à ces gestes parfois iconoclastes et participe au dessin. C’est une histoire qui découle de processus qui s’écoulent.

Secret sillon, livre d’artiste 2022

Cartographie des passages, 2022

FRAGILE, LES CAHIERS DE L’AGART n3

Très heureuse d’avoir contribué à ce troisième numéro des Cahiers de l’Agent aux côtés de Christian Bonnefoi, Jean-Luc Nancy, Renaud Ego, Bernard Moninot, Michel Guérin, Clélia Nau…


« L’art contemporain a fait de la fragilité une compagne qui s’est imposée avec la grâce et la discrétion qui caractérise son être. Elle est là dès le début, surgie dont on ne sait où, avec l’une des premières icônes du XXe, L’Élevage de poussière (Duchamp – Ray). Elle est là sous toutes ses facettes : d’abord en tant que matériau susceptible de s’évanouir au moindre courant d’air ou de se briser au moindre toucher (les sculptures d’ombre de Tuttle) ; l’usage du pigment pur, non‑li., volatile. Le vent a son mot à dire, comme c’est souvent le cas depuis Léonard. » Ch.B

Off the grid Exhibition

Plagiarama
Rivoli Building #24 
690 Chaussée de Waterloo/Waterloosesteenweg 
Brussels
++32(0)486 94 30 04 
www.plagiarama.com / plagiarama@gmail.com 
Open Thursday, Friday & Saturday – 2 pm to 5 pm – and by appointment

échappée, l’autre, graphite et poussière d’atelier sur papier, 115 x 150 cm, 2022
vue de l’exposition
secret sillon, exemplaire unique, 2022
022secret sillon, exemplaire unique, 2

Tourner en rond dans un carré

Bains d’essai, exposition à La plus petite galerie du monde sur Vimeo

Amélie de Beauffort et Pierre Baumann / La plus petite galerie du monde sur Vimeo: https://vimeo.com/560091558?ref=em-share

Une vidéo de Felipe Esparza

Bains d’essai, Amelie de Beauffort et Pierre Baumann à La plus petite galerie du monde (OU PRESQUE)

Echappée, l’autre, poussière d’atelier et graphite sur papier, 2022, 115 X 150 cm
Echappée, l’une, encre et graphite sur papier poinçonné, 2021, 115 x 150 cm

Entrelacs-sort de là

Nouer est un geste des premiers hommes, il fait toujours partie des premiers apprentissages – apprendre à nouer ses lacets. Par ailleurs, les représentations d’entrelacs sont des ornements immémoriaux, les enluminures des moines irlandais du VIIème siècle par exemple leurs entrelacs s’ils apportent un supplément décoratifs sont aussi des retardateurs à la lecture, ils offrent une opacité au sens littéral. Ce qui ne manque pas d’être piquant puisque enluminure, étymologiquement, renvoie à mettre en lumière. Les mathématiques contemporaines reconnaissent aux nœuds cette faculté de faire obstacle à l’écriture en ne se laissant pas écrire mathématiquement, résoudre en équation. 

Ce fut une des motivations qui me conduisit à prendre le parti du dessin à partir d’un geste : nouer la feuille de papier et la considérer à partir de cette torsion qui la transforme en une bande entrelacée de façon à ce qu’elle devienne unilatère, objet de résistance et de déstabilisation des sens. On ne comprend rien à ces surfaces moebiennes tant qu’on ne les pratique pas. Les repères spatiaux conventionnels (les oppositions recto/verso gauches/droites, haut/bas) sont troublés. C’est plus largement un mode de pensée binaire qui se trouve ébranlé.  Le corps entier est concerné par cette expérience, ce qui s’y déprend (plutôt que ce qui s’y comprend) échappe au langage et à la représentation. (La simple représentation d’une bande de Moebius n’a évidemment aucune de ses qualités topologiques). Le lieu du dessin m’apparait comme celui d’un état transitoire où la surface d’inscription – se comporte comme un partenaire. Faussement fragile, Le papier se laisse altérer, modifier, mais aussi il s’anime, réagit, résiste parfois à mes gestes iconoclastes.

Récemment, je suis revenue à l’espace de la feuille mais depuis sa capacité à former une membrane qui s’intercale entre (qui n’est ni un dedans, ni un dehors). 

Dans la série, entrelacs – sort de là, plusieurs feuilles de papier se superposent et disposent des mêmes motifs poinçonnés ajourés. Ces motifs sont les relevés des silhouettes d’une ficelle nouée déposée et reposée sur la surface. Mes jeux de ficelles me conduisent à la conception d’un invariant mobile, la ficelle nouée, qui se comporte comme le motif fuyant du nœud coulant et qui formalise à l’envi l’ornement mouvant.

Par un processus en cascade, un feuilletage s’organise qui n’est alors pas que de différentes couches de papier, il est aussi de flux (de peinture) et de gestes de retournement.

Après séchage, à l’accrochage, avec la verticalité, les feuilles atteintes dans leur planéité gondolent et ne se touchent que de-ci de-là ; ombre et lumière frisent à la lisière des bords des motifs dentelés par le poinçon. Enfin on peut considérer le travail d’évidement comme une fenêtre non pas sur l’univers mais sur l’espace clos du mur.

amélie de Beauffort, détail, encre sur papier

Réalités de la recherche (collective) en arts


Sous la direction de Pierre Baumann, avec les contributions de Chloé Bappel, Pierre Baumann, Camille Rousseau, Tomas Smith / Jean Arnaud, Amélie de Beauffort, Julien Bernard / Marie Boivent, Leszek Brogowski, Aurélie Noury, Éric Watier / microsillons / Dirk Dehouck, Bruno Goosse, Michel Guérin, Lucien Massaert / Philippe Eydieu, Alex Pou, Camille Varenne / Jocelyn Desmares, Fabrice Gallis, Eddy Godeberge, Charline Guyonnet, Romaryc Hardy, Arthur James, Sophie Lapalu, Frédéric Leterrier / Suspended spaces.

Sujet : La recherche en arts, en prise avec son institutionnalisation au sein des universités et des écoles d’art, à l’échelle nationale et européenne en particulier, se confronte bien souvent aux mêmes critères que ceux de toute recherche expérimentale : de nouveauté, de créativité, d’incertitude, de systématisation et de transférabilité. Au delà de l’indiscipline nécessaire à toute discipline, peut-on nommer et discuter des réalités pragmatiques qui se trament derrière l’évidence de ces critères ?

Pour y répondre, ce livre fait d’abord le pari de ne pas assimiler les deux fonctions sociales que sont celle de l’artiste et celle du chercheur en arts pour tenter de voir ce qui diffère dans le faire et l’expérience de terrain dès lors qu’on pense, selon les cas, « comme un chercheur en arts » ou « comme un artiste ». Ce livre mise ensuite sur l’idée que la compréhension de ces réalités passe par l’observation de ce qui se fait collectivement au sein même de nos institutions et en dehors, et ce parfois depuis plus de trente ans. Huit équipes de recherche exposent par le menu leurs objets, leurs méthodes, leur organisation, leur milieu et le pouvoir de démonstration de la pensée artistique, esthétique et politique qu’elles déploient collectivement et durablement, par le verbe, les faits et les gestes.


Présentation de l’ouvrage le 3 avril, à la librairie bordelaise L’ascenseur végétal, à partir de 18h. https://ascenseurvegetal.com/fr/

Ouvrage disponible en librairie et sur tous les sites de vente en ligne, ainsi que sur le site des Presses Universitaires de Bordeaux.
Distribution SODIS. Sortie le 4 avril 2019.

Plus d’info : Pierre.Baumann@u-bordeaux-montaigne.fr

Biomorphisme, approches sensible et conceptuelle des formes du vivant

Exposition Biomorphisme à La Friche Belle de Mai à Marseille, novembre 2018-février 2019

Exposition à La Friche Belle de Mai. 

Avec : Jean Arnaud, Peter Briggs,Amélie de Beauffort, Nathalie Delprat,Julie Pelletier, Sylvie Pic, Barbara Sarreau,  Teruhisa Suzuki

Commissaire Karin Graff

L’exposition Biomorphisme rassemble huit univers artistiques dans lesquels les pratiques et les médiums sont très divers (dessin, sculpture, installation, vidéo ou performance).
Si « chacun place à sa manière les formes du vivant au fondement de son travail », les formes présentées sont elles-mêmes très diverses : corps des organismes (animaux ou végétaux), productions du vivant (habitat, traces), gestes, métamorphoses, jeux stratégiques (camouflage, mimétisme), ou encore « les formes de la sensation et de la perception, les formes de l’empathie et ses limites ».

Jardin # Tapis de découpe

Cette pièce réalisée sur un métier similaire à ceux qui servirent pour la fabrication d’un tapis persan, meten œuvre deux gestes que les mains des hommes opèrent depuis la nuit des temps : nouer et tresser. Dès le XVII ème siècle en Perse, certains tapis représentent des jardins et leurs divisions en parcelles rectangulaires ou carrées qui rapellent le réseau des canaux d’irrigations. Le dessin de cette œuvre évoque l’articulation d’un langage géométrique et d’un langage organique. Le carton du tapis est élaboré à partir des marques de travail inscrites sur le tapis de découpe qui protège ma table. Cette surface martyr présente une grille géométrique sur laquelle se sont gravées, entre progression et hésitation, les entrelacs des motifs poinçonnés dans les œuvres « papiers ». Le tapis conjugue deux temporalités différentes. À la fois une sorte d’après-coup qui m’apparaît comme un lapsus, celui de la relève d’une échappée à la mise en œuvre des dessins poinçonnés. Et d’autre part tisser/nouer matérialise la longue durée du faire. Le temps du tissage est l’expérience d’un temps d’absence à soi et de présence au travail qui active le tissu de la mémoire et relance la métamorphose de différentes impulsions et potentialités.