Variations Météorologiques,

Exposition du 17 mai au 14 juin, 
Avenue Jean Volders 56, 1060 Saint Gilles. Jeudis et Vendredis de 18h à 20h et les samedis de 14h à 18h. 
Egalement accessible sur rendez-vous. 
sur rendez-vous

Variations météorologiques 

Tous les jours, Amélie de Beauffort tourne une page du cahier qu’elle a placé dans sa boîte aux lettres, pour que les escargots qui y vivent puissent la grignoter. Ces mollusques en raffolent – le papier leur apporte le calcium dont ils ont besoin pour renforcer leur coquille, et Amélie le choisit bien, à base de cellulose, ni encré, ni blanchi, par tendresse pour leur petit organisme. Ils ont 20,000 dents sur leur langue râpeuse, avec laquelle ils rongent un motif délicat, entre nuage et dentelle. 

Cette passion pour le papier, Amélie et les escargots l’ont en commun. L’artiste part de la matière même de son support, et expérimente sans cesse de nouvelles manières de le faire parler. Depuis quelques années, elle plonge ses feuilles dans des bains d’eau et d’encre: la pesanteur, l’action des fluides couvrent le papier de traces minérales; parfois, elle troue ses feuilles avant de les mouiller, découvrant ainsi une différente poétique des gouttes; chaque geste en invite un autre, dans une danse entre l’artiste, le hasard, et les propriétés des choses. 

Avec le temps, elle a développé ainsi son propre langage plastique, riche en formes organiques, qui peuvent évoquer autant une coupe microscopique qu’une cartographie aérienne. Parfois, une grille orthogonale surgit parmi les taches: un ordre géométrique, mais aussi un souvenir tangible, car cette forme-ci est également prélevée de l’environnement de l’artiste; il s’agit de son tapis de découpe, apparaissant comme si le papier troué racontait son chemin. La couleur est d’abord apparue dans son travail en utilisant la poussière de son atelier – un soupçon de rouge venu de rien, qui se révèle avec joie devant les yeux de l’artiste. 

Rien de plus naturel, donc, qu’un jour Amélie ait découvert chez elle une enveloppe dévorée, et qu’elle y lise le début d’une nouvelle collaboration. Elle teste différentes conditions, observant ses petits voisins humides par le biais des pages: en hiver, ils se terrent dans leur coquille, et le cahier reste vierge, pareil pour les jours de sécheresse; dès le printemps, et particulièrement les jours de pluie, ils se réveillent, voraces, et criblent le papier de leur douce constellation. Ainsi, le cahier se remplit. Une fois l’intervention des escargots terminée, Amélie retravaille simplement la couleur de cette édition à plusieurs “mains”. 


Pour cette artiste, le trou n’est pas un vide mais un pore, un point d’interaction entre son travail et l’extérieur. Quand le soleil traverse les ouvertures de Jours, le calque découpé produit un jeu d’ombres rappelant l’épais feuillage d’une canopée. Quand elle nourrit ses compagnons baveux, l’appétit des mollusques devient la trace du passage des saisons. Avec sa vidéo, le carnet, l’escargot et le trou, l’artiste suggère cette temporalité à l’œuvre: à première vue immobile, un plan fixe montre, avec patience, une minuscule coquille oscillant avec humilité et grâce sur le dessin. Dans notre environnement hyper-saturé d’images et accélérant sans cesse, les créations d’Amélie se développent avec une lenteur fraîche, comme une fenêtre percée vers le monde, pour que sa lumière nous atteigne à son propre rythme. Olivia Perce


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